Incrustation du Samedi matin.

Samedi, aux alentours de treize heures, après un petit déj’ et une heure de geekage... J’avais fini par éteindre mon pc, posé sur la table basse devant moi, et éteindre aussi ma console, juste à côté, et puis tant qu’à faire j’avais aussi lâché mon portable que je trifouillais régulièrement pour envoyer des sms par ci par là, bref, manquait plus que les lunettes et le Coca et là j’aurais ressemblé au parfait cliché du geek asociable. Mais c’était quand même pas ce que j'étais, le pc, la Xbox, ça allait bien un peu mais déjà pour un Samedi, il était vachement trop tôt pour être si concentré sur tant de trucs à la fois. Au final j’étais retourné me chercher un bol de céréales et j’avais allumé la télé pour faire un fond sonore, et puis le comatage était venu tout naturellement. Puis, comme à chaque fois que je ne pensais à rien, l’image de ma meilleure amie s’imposa à mon esprit. Elle s’appelait Esfir-Esperanza et elle habitait huit étages plus haut, le truc parfait quoi, toujours avoir sa meilleure pote sous la main ! On se connaissait tous les deux depuis un bon bout de temps et y’avait de grandes chances pour que ça dure un encore plus gros bout de temps, on connaissait tous les deux nos vies mutuelles dans les détails. Moi, je la conseillais niveau mecs et elle m’aidait à me trouver des fringues cool, je lui disais pas souvent mais je l’adorais carrément cette fille. Penser à elle tout à coup me donna la motivation de me lever, de m’habiller et de me bouger un peu, j’avais qu’à aller la voir tiens, avec un peu de chances elle dormait encore et j’allais pouvoir la faire chier, la réveiller et peut-être même me faire inviter à manger ! Ni une ni deux, je sortis de mon amorphisme et je filais vers ma chambre et vers la salle de bain pour enlever mon air pas frais du matin – ou midi, peu importe. Une fois tout beau tout propre je montai les escaliers d’un air motivé pour aller vers le haut de l’immeuble, et frappai deux coups légers à la porte, avant de me souvenir que j’étais là pour faire chier et donc j’ajoutai cinq ou six gros coups et j’utilisai aussi la sonnette, tant qu’à faire. Malheureusement Esfir devait déjà être réveillée parce qu’elle n’avait pas l’air toute décoiffée et pas fraîche en ouvrant la porte, au contraire elle était toute jolie – un peu comme toujours finalement – elle semblait juste un peu blasée par mon comportement de gamin, mais ça ne dura pas longtemps et elle m’invita à entrer.

_ Alors tu fais quoi de beau aujourd’hui ? Je pensais que t’allais passer me faire chier ce matin. T’as pas un truc à manger tiens ? Les céréales ça tient pas trop dans le ventre en fait ! dis-je.

Sans y avoir été invité, j’étais déjà avachi sur le canapé à regarder la télé. D’accord, c’était pas très poli, enfin, dans une situation normale ça n’aurait pas été poli, mais avec Esfy c’était comme ça, j’avais un peu l’impression que son appart était aussi un peu à moi et vice-versa. Il fallait dire que toutes ces années d’amitié nous avaient lié d’une manière bien particulière, elle était un peu comme ma petite sœur en fin de compte.. un truc comme ça, « sœur » ça ne convenait peut-être pas en fait mais c’était tout aussi fort. Je m’emparai de la télécommande d’un air distrait et changeai de chaîne au hasard.

_ Au fait, t’es libre ce soir ? On pourrait se faire un ciné, un resto, partir en week-end à l’arrache, un truc comme ça, t’en penses quoi ?

Les sorties pas préparées c’était ma spécialité ça, j’adorais ça et j’en profitais au maximum quand j’en avais l’occasion, dès que je n’étais pas de garde j’en profitais pour me barrer. En plus de ça c’était une bonne occasion de prendre un tas de photos, et si Esfy était opé pour venir avec moi, j’aurais mon plus beau modèle avec moi.

Esfy avait l’air blasée, et contente de me voir. « Blasée » c’était juste pour faire style parce qu’en fait elle m’adorait trop pouvoir en avoir marre de me voir hinhin ! Moi aussi d’ailleurs je l’adorais trop mais je voulais pas trop qu’elle le sache, même si je savais qu’elle le savait, et elle savait que je savais qu’elle savait. Fallait pas qu’elle sache plus. Mais bon, je me comprenais quoi... En quelques secondes j’avais trouvé ma place à moi dans le sofa de ma meilleure amie jusqu’à ce qu’elle arrive, après avoir fermé la porte, pour me faire un câlin et me coller un bisou sur la joue. J’entourais mes bras autour des siens en pensant que je me sentais super bien, et la pensée qu’elle sentait très bon m’effleura l’esprit également une seconde. Elle s’écarta malheureusement assez vite et s’installa en face de moi, enfin disons plutôt sur le haut du canapé, c’était tout elle ça, il y avait plein de vraies places assises et elle se posait là où c’était même pas une place. Je lui tirai doucement la jambe pour faire semblant de vouloir la faire tomber mais arrêtai pas peur de vraiment la faire tomber en fait, c’était un peu débile... Esfy m’informa qu’elle avait bien un truc à manger et qu’en plus, si je n’étais pas venu, elle serait elle-même venue me voir, comme d’habitude en fait, c’était un peu comme si on ne pouvait pas passer une seule journée sans se voir et sans qu’on ait l’impression d’avoir loupé un tas de trucs à faire ensemble. Le Samedi en particulier, c’était assez fréquent qu’on passe la journée ensemble et, selon mes plans, c’est ce qui allait se passer. Ou pas en fait. Non, parce qu’apparemment elle allait voir Jessy, un mec que je lui avais plus ou moins présenté, c’était un ami d’un ami et il avait l’air relativement sympa, assez en tout cas pour que j’aie pu penser qu’il puisse convenir à ma meilleure amie.

_Super, dis-je sans un grand enthousiasme. Vous avez fait connaissance alors ? Tu le trouve sympa ? Et il est pas moche en plus hein, j’suis sûr que tu lui plaît d’ailleurs !

En fait, au-delà d’en être juste sûr, je le savais d’une source fiable, tout simplement parce qu’il m’avait envoyé quelques messages sur mon portable deux jours plus tôt pour me remercier de lui avoir présenté et me dire qu’il allait sûrement très bien s’entendre avec elle. Genre. Il s’entendrait jamais avec elle aussi bien que moi ça c’était clair. Tout à coup je me renfrognais un peu à l’idée que j’allais sûrement me faire chier toute la soirée contrairement à ce que j’avais prévu. Je pouvais m’en prendre qu’à moi-même de toute façon. Quoi qu’après tout, elle pouvait toujours annuler avec lui – ou avec moi. La phrase qu’elle sortit juste après me calma un peu plus encore puisqu’elle pensait que ça ne se faisait pas d’annuler comme ça...

_ Hmm ouais c’est sûr que ça serait pas cool pour lui, le pauvre petit.

J’étais pas du tout du genre à faire la gueule pour rien comme une fille, d’ailleurs c’est pas ce que j’étais en train de faire, même si ça pouvait y ressembler. Je faisais juste une légère petite moue triste pour essayer de la faire changer d’avis ou au moins lui faire très pitié si possible, en général ça marchait. En général, mais cette fois apparemment non...

_ Bon d’accord, tu m’abandonnes lâchement je vois, vilaine fille sans cœur.. ! lançais-je en me tournant ostensiblement dos à elle.. juste deux secondes pour la faire chier. T’auras intérêt à me prévenir de ce qu’il se passe toute la soirée alors, c’est quand même grâce à moi que tu l’auras rencontré ce mec je te rappelle ! Bon on mange quoi ? T’as de quoi cuisiner ? Je peux te préparer un truc trop génial, genre... des pâtes avec.. du beurre...

Quoi ? C’était un bon début je trouve moi, la cuisine ça n’avait jamais été mon truc, étant donné que j’avais une super Maman qui était un vrai cordon bleu mais qui, malheureusement, ne m’avait jamais appris quoi que ce soit à ce niveau. Sans demander la permission j’étais déjà le nez dans les placards à la recherche de pâtes.

_ Alors, vous avez prévu quoi pour ce soir avec heu.. Jessy ? T’as une casserole ?